Séance 2 : portrait de Mlle de Chartres

Introduction

Situation du passage
L'apparition de Mlle de Chartres survient juste après une présentation du contexte historique et spatial : c'est à la Cour du roi Henri II, dans un lieu où les Grands et les courtisans évoluent, que la future Mme de Clèves va rencontrer M. de Nemours.
Le portrait de Mlle de Chartres se dessine à travers l'évocation de l'éducation prodiguée par sa mère, Mme de Chartres, et son caractère est illustré par la réaction de la jeune fille face à l'admiration que lui voue M. de Clèves lorsqu'il la rencontre pour la première fois.

Problématique
Par quels moyens le portrait physique et le portrait psychologique sont-ils étroitement mêlés ?

Plan
*Mlle de Chartres, un des grands partis de la Cour
*L'éducation de la jeune femme

I. Mlle de Chartres, un des plus grands partis de la Cour

1. Les origines de Mlle de Chartres
D'emblée Mlle de Chartres est appelée se distinguer des autres courtisans, de par son rang élevé : elle est en effet la nièce du vidame de Chartres, personnage historique et compagnon d'armes du Prince de Condé, qui jouera un rôle central dans les Guerres de Religion : "Elle était de la même lignée que le vidame de Chartres".
[Pour des précisions historiques sur le vidame de Chartres : http://www.maligny.net/jean-de-ferrieres1.html ]
Ceci en fait un des meilleurs partis de France à la Cour d'Henri II, à la fois en raison du rang élevé de son oncle et en raison de la richesse de sa famille. Le narrateur insiste sur ces deux aspects à deux reprises, au début et à la fin de la présentation de la jeune femme : "une des plus grandes héritières de France" (p.17), et "cette héritière était alors un des grands partis qu'il y eût en France" (p.18 )

2. La beauté de Mlle de Chartres
C'est également la beauté de la jeune femme qui la rend remarquable à la Cour, où les apparences comptent plus que le reste. Le mot "beauté" et ses dérivés reviennent de fait à plusieurs reprises dans le passage, que ce soit dans le portrait proprement dit de Mlle de Chartres ou dans le paragraphe évoquant sa rencontre avec M. de Clèves : "beauté" est employé huit fois dans ces deux paragraphes, l'adjectif "belle" apparaît deux fois. Dans la même volonté de souligner sa beauté, les mots "éclat", "grâce", "charmes" sont employés pour la décrire.
Il s'agit d'une beauté absolue, idéale, dont la physionomie correspond parfaitement aux canons de l'époque : "la blancheur de son teint et ses cheveux blonds" correspondent au critères de beauté pour une femme noble de la Renaissance, et le fait que "ses traits [soient] réguliers", c'est-à-dire sans défauts, souligne le caractère absolu de cette belle apparence ainsi que sa dimension exceptionnelle, encore renforcée par le fait qu'à la Cour, les femmes d'une grande beauté sont légion, mais qu'elle, elle les surpasse toutes : dans elle donna de l'admiration dans un lieu oùl'on était si accoutumé à voir de belles personnes", l'adverbe intensif "si" souligne cette caractérisque.
De ce fait, elle attire soudain tous les regards, dès son arrivée à la Cour, à la manière d'une apparition divine : "Il parut alors une beauté à la Cour" ; ici, le passé simple du verbe paraître, associé à l'adverbe "alors", met en évidence l'idée d'apparition brusque. Le vocabulaire rattaché à la vue, au regard est omniprésent dans le but de montrer la facination que cette jeune femme exerce sur les autres : "attira les yeux", "admiration", "voir", "la regardait", "Il voyait bien par son air", "ses regards", "la perdre de vue". Cette fascination qu'elle exerce sera à l'origine de ses mésaventures, puisque sans sa beauté extraordinaire, elle n'aurait sans doute pas été remarquée par M. de Clèves et par M. de Nemours.

II. L'éducation de la jeune femme

1. Une beauté physique et morale
Cette beauté est étroitement liée à son caractère. En effet, à plusieurs reprises, les deux sont évoqués ensemble et sur un pied d'égalité : d'une part, à deux reprises, les termes qui les désignent sont liés par la conjonction de coordination "et" -- "son esprit et sa beauté", "de sabeauté et de l'air modeste qu'il avait remarqué dans ses actions" -- ; d'autre part, l'éducation donnée par sa mère lui apprend que la vertu met en valeur la beauté -- "elle lui faisait voir [...] combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance".
C'est d'ailleurs en partie sa vertu, sa contenance modeste qui, chez le joaillier florentin, vont faire naître en M. de Clèves une passion infinie à l'égard de Mlle de Chartres : c'est bien à la fois par sa beauté et par cette attitude qu'il est séduit. On le sous-entend quand il constate son embarras, mis en valeur par sa rareté chez les jeunes filles de son âge : "Il s'aperçut que ses regards l'embarassaient, contre l'ordinaire des jeunes personnes qui voient toujours avec plaisir l'effet de leur beauté" ; et on le précise plus explicitement à la fin du second paragraphe : "Il demeura si touché de sa beauté et de l'air modeste qu'il avait remarqué dans ses actions qu'on peut dire qu'il conçut pour elle dès ce moment une passion et une estime extraordinaires".

2. Une éducation portée sur les valeurs morales
L'éducation que Mme de Chartres prodigue à sa fille met l'accent sur la bienséance et les valeurs morale plus propres à l'époque de Mme de La Fayette (le XVIIème siècle est le siècle des moralistes), qu'à celle où ses personnage sont mis en scène (XVIème siècle, siècle de l'humanisme).
(Moralistes du XVIIème siècle, Humanisme :voir Fiches )
Elle lui enseigne en effet la vertu, c'est-à-dire l'honnêteté ainsi que la volonté et la capacité à bien agir en toute circonstance. Pour s'assurer de l'efficacité de son enseignement, elle lui rend cette vertu aimable, c'est-à-dire plaisante, agréable (c'est en cela que son discours est plus proche du classicime et des moralistes, car au XVII, toute oeuvre devrait plaire et édifier à la fois, tout enseignement devait être agréable) : "elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable". Le mot "vertu" est d'ailleurs répété à plusieurs reprises dans cet extrait.
Pour mieux parvenir à la lui inculquer, elle oppose ses bienfaits, évoqués à plusieurs reprises pour mieux les mettre en valeurs -- "Et elle lui faisait voir [...]quelle tranquillité suivait la vie d'une honnête femme" ; "combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation" -- aux qualités de l'amour, rendues anodines par le peu de précision qu'apporte le texte les concernant : "Elle lui montrait ce qu'il a d'agréable". En comparaison de ces dernières, les dangers de l'amour sont développés longuement par Mme de Chartres - le verbe "contait" en témoigne, et extrêmement détaillés par l'auteur au long d'une énumération : "elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements". On remarquera l'opposition de termes péjoratifs (pour l'amour) à des termes laudatifs (pour la vertu).

Conclusion

Mlle de Chartres, un des plus beaux partis de la Cour, et décrite comme un jeune personne accomplie, dont la beauté physique reflète la vertu que Mme de Chartres lui a inculqué. L'éducation complète de la future Princesse de Clèves, dont on a cultivé la beauté, l'esprit et la vertu, la rend remarquable à la Cour, où règnent les apparences, et de là découle sa destinée : elle ne pourra manquer de séduire, malgré elle, son futur époux -M. de Clèves- mais aussi, par la suite, le duc de Nemours.