I. La déchéance du baron
1. Déchéance sociale
De même que son castel est "démantelé", le jeune Sigognac n'a plus de baron que le titre, et en a abandonné les manières ainsi que l'apparence.
C'est dans la cuisine du château, seule pièce encore viable, qu'il se trouve lorsque le narrateur en drese le portrait : "Le baron de Sigognac, car c'était bien le seigneur de ce castel démantelé qui venait d'entrer dans la cuisine..." Or, les nobles et nobliaux ne mettaient alors jamais les pieds dans la cuisine, lieu réservé aux serviteurs et aux domestques. Il prenaient leurs repas dans la salle à manger. Le fait que le baron de Sigognac descende à la cuisine et qu'il y prenne ses repas est symbolique de sa déchéance sociale. Le dénuement dans lequel il vit ne lui permet plus de mener une vie en concordance avec son rang.
2. Une déchéance flagrante
Cette déchéance se lit sur la physionomie du baron par bien des détails. Tout d'abord, son âge et sa contenance sont en décalage : "un jeune homme de vingt-cinq ou vingt-six ans, quoiqu'au premier abord on lui eût attribué peut-être davantage, tant il paraissait grave et sérieux". D'une part, l'opposition entre "jeune" et "davantage", renforcée par l'usage de la conjonction de subordination "quoique" ; d'autre part, la formule redondante "grave et sérieux" sont les deux procédés qui souligne à quel point il paraît âgé en comparaison de ses vingt-cinq années.
Tous en lui semble chuter, à l'instar de son statut déchéant, en témoignent les verbes et les qualificatifs employés pour le décrire : "le sentiment de l'impuissance (...) avait fait (...)tomber cette fleur printanière qui veloute les jeunes visages" ; "ses moustaches (...) portaient la pointe basse" ; "ses cheveux, négligemment peignés, pendaient" .
Tout ceci constitue les stigmates de la misère et de la tristesse : "Le sentiment d'impuissance (...) avait fait fuir la gaieté de ses traits" ; "bouche triste" ; "sa moustache (...) semblait pleurer", "L'habitude d'un chagrin secret avait fait prendre de plis douloureux à une physionomie...). Cette déchéance, cette apparence douloureuse est par ailleurs mise en relief par la comparaison établie de façon systématique avec ce qu'il aurait pu être sans le chagrin qui l'accable. L'exemple le plus marquant est sans doute cette phrase, qui rassemble les deux : "Le sentiment d'impuissance, qui suit la pauvreté, avait fait fuir la gaieté de ses traits et tomber cette fleur printannière qui caractérise les jeunes visages". Ici, l'on constate aisément que sa pauvreté lui a volé à la fois son bonheur - "fait fuir la la gaieté" - et sa jeunesse - "tomber cette fleur printanière qui carctérise les jeunes visages". Dans cette dernière métaphore désignant la fraîcheur du teint, le recours à l'image du printemps évanoui pourrait signifier que Sigognac, malgré sa jeunesse, paraît déjà parvenu à l'automne, voire à l'hiver de sa vie. Autrement dit, il est dépeint comme un mourant.