II. Un parti difficile à prendre
La narratrice finit par évoquer explicitement Mme de Chartres : "Elle se souvenait de tout ce que Madame de Chartres lui avait dit en mourant".
Cette pensée, ainsi que celle de son mari - "Ce que lui avait dit M. de Clèves sur la sincérité, en parlant de Mme de Tournon" - va lui suggérer une solution possible : "Il lui sembla qu'elle lui devait avouer l'inclination qu'elle avait pour M. de Nemours". Le fait qu'elle ait cette idée après avoir repensé aux conseils de sa mère - "des conseils qu'elle lui avait donnés de prendre toutes sortes de partis, quelque difficiles qu'ils pusssent être" - nous montre qu'il s'agit pour elle d'une solution extrême, désespérée, qu'elle n'est poussée à envisager que parce qu'elle se sent sans défense. Il s'agit d'une solution d'autant plus désespérée qu'elle la qualifie d'acte insensé : "elle y trouva de la folie".
Finalement, c'est là que l'influence de Mme de Chartres va trouver ses limites. En effet, malgré les conseils de celle-ci, Mme de Clèves recule devant la difficulté d'avouerà son mari l'inclination qui la pousse vers M. de Nemours : la phrase "cette pensée l'occupa longtemps" traduit la difficulté à se décider ; le rythme ternaire en gradation "ensuite elle fut étonnée de l'avoir eue, elle y trouva de la folie, et retomba dans l'embarras de ne savoir quel parti prendre" témoigne de l'échec de sa volonté de respecter le voeux de Mme de Chartres. Toutefois, il apparaît ici qu'elle n'est pas encore tombée dans le gouffre. Elle s'accroche encore au bord du ravin, tiraillée entre son amour et sa fidélité à son époux : c'est en effet les paroles de M. de Clèves qui déclenchent cette vague de remords avec violence : "Ces paroles, quoique dites en riant, firent une vive impression dans l'esprit de Mme de Clèves", et c'est auprès de lui qu'elle envisage de chercher un soutien puisqu'elle veut lui dévoiler son coeur.