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 Textes étudiés en STG1

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Mlle Cappon




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MessageSujet: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 20:18

Séquence 1 : théâtre et représentation


Alceste.
ô ciel ! De mes transports puis-je être ici le maître ?
Célimène.
Ouais ! Quel est donc le trouble où je vous vois paraître ?
Et que me veulent dire et ces soupirs poussés,
et ces sombres regards que sur moi vous lancez ?
Alceste.
Que toutes les horreurs dont une âme est capable
à vos déloyautés n' ont rien de comparable ;
que le sort, les démons, et le ciel en courroux
n' ont jamais rien produit de si méchant que vous.
Célimène.
Voilà certainement des douceurs que j' admire.
Alceste.
Ah ! Ne plaisantez point, il n' est pas temps de rire :
rougissez bien plutôt, vous en avez raison ;
et j' ai de sûrs témoins de votre trahison.
Voilà ce que marquaient les troubles de mon âme :
ce n' était pas en vain que s' alarmait ma flamme ;
par ces fréquents soupçons, qu' on trouvait odieux,
je cherchais le malheur qu' ont rencontré mes yeux ;
et malgré tous vos soins et votre adresse à feindre,
mon astre me disait ce que j' avais à craindre.
Mais ne présumez pas que, sans être vengé,
je souffre le dépit de me voir outragé.
Je sais que sur les voeux on n' a point de puissance,
que l' amour veut partout naître sans dépendance,
que jamais par la force on n' entra dans un coeur,
et que toute âme est libre à nommer son vainqueur.
Aussi ne trouverais-je aucun sujet de plainte,
si pour moi votre bouche avait parlé sans feinte ;
et, rejetant mes voeux dès le premier abord,
mon coeur n' aurait eu droit de s' en prendre qu' au sort.
Mais d' un aveu trompeur voir ma flamme applaudie,
c' est une trahison, c' est une perfidie,
qui ne saurait trouver de trop grands châtiments,
et je puis tout permettre à mes ressentiments.
Oui, oui, redoutez tout après un tel outrage ;
je ne suis plus à moi, je suis tout à la rage :
percé du coup mortel dont vous m' assassinez,
mes sens par la raison ne sont plus gouvernés,
je cède aux mouvements d' une juste colère,
et je ne réponds pas de ce que je puis faire.
Célimène.
D' où vient donc, je vous prie, un tel emportement ?
Avez-vous, dites-moi, perdu le jugement ?
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Mlle Cappon




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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 20:18

Molière, Dom Juan (1665), acte IV, scène 6
DONE ELVIRE. - Ne soyez point surpris, Dom Juan, de me voir à cette heure et dans cet équipage. C'est un motif pressant qui m'oblige à cette visite, et ce que j'ai à vous dire ne veut point du tout de retardement. Je ne viens point ici pleine de ce courroux que j'ai tantôt fait éclater, et vous me voyez bien changée de ce que j'étais ce matin. Ce n'est plus cette Done Elvire qui faisait des oeux contre vous, et dont l'âme irritée ne jetait que menaces et ne respirait que vengeance. Le Ciel a banni de mon âme toutes ces insignes ardeurs que je sentais pour vous, tous ces transports tumultueux d'un attachement criminel, tous ces honteux emportements d'un amour terrestre et grossier ; et il n'a laissé dans mon coeur pour vous qu'une flamme épurée de tout le commerce des sens, une tendresse toute sainte, un amour détaché de tout, qui n'agit point pour soi, et ne se met en peine que de votre intérêt.
DOM JUAN, à Sganarelle. - Tu pleures, je pense.
SGANARELLE. - Pardonnez-moi.
DONE ELVIRE. - C'est ce parfait et pur amour qui me conduit ici pour votre bien, pour vous faire part d'un avis du Ciel, et tâcher de vous retirer du précipice où vous courez. Oui, Dom Juan, je sais tous les dérèglements de votre vie, et ce même Ciel, qui m'a touché le coeur et fait jeter les yeux sur les égarements de ma conduite, m'a inspiré de vous venir trouver, et de vous dire, de sa part, que vos offenses ont épuisé sa miséricorde, que sa colère redoutable est prête de tomber sur vous, qu'il est en vous de l'éviter par un prompt repentir, et que peut-être vous n'avez pas encore un jour à vous pouvoir soustraire au plus grand de tous les malheurs. Pour moi, je ne tiens plus à vous par aucun attachement du monde ; je suis revenue, grâces au Ciel, de toutes mes folles pensées ; ma retraite est résolue, et je ne demande qu'assez de vie pour pouvoir expier la faute que j'ai faite, et mériter, par une austère pénitence, le pardon de l'aveuglement où m'ont plongée les transports d'une passion condamnable. Mais, dans cette retraite, j'aurais une douleur extrême qu'une personne que j'ai chérie tendrement devînt un exemple funeste de la justice du Ciel ; et ce me sera une joie incroyable si je puis vous porter à détourner de dessus votre tête l'épouvantable coup qui vous menace. De grâce, Dom Juan, accordez-moi, pour dernière faveur, cette douce consolation ; ne me refusez point votre salut, que je vous demande avec larmes ; et si vous n'êtes point touché de votre intérêt, soyez le au moins de mes prières, et m'épargnez le cruel déplaisir de vous voir condamner à des supplices éternels.
SGANARELLE. - Pauvre femme !
DONE ELVIRE. - Je vous ai aimé avec une tendresse extrême, rien au monde ne m'a été si cher que vous; j'ai oublié mon devoir pour vous, j'ai fait toutes choses pour vous ; et toute la récompense que je vous en demande, c'est de corriger votre vie, et de prévenir votre perte. Sauvez-vous, je vous prie, ou pour l'amour de vous, ou pour l'amour de moi. Encore une fois, Dom Juan, je vous le demande avec larmes ; et si ce n'est assez des larmes d'une personne que vous avez aimée, je vous en conjure par tout ce qui est le plus capable de vous toucher.
SGANARELLE. - Coeur de tigre !
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Mlle Cappon




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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 20:19

Documents complémentaires
Louis Jouvet, Molière et la comédie classique(1940)
Quand tu te dis : "De grâce, Dom Juan, accordez-moi pour dernière faveur..." (Louis Jouvet imite le ton de Claudia), les mots n'ont plus de couleur, n'ont plus rien. "Que je vous demande avec larmes" : tu feras cela comme tu voudras, tu n'as pas besoin de pleurer, mais que, dans l'intérieur de toi-même, il y ait vraiment des larmes. Le premier travail à faire là-dessus est celui qui consiste d'abord à adresser la parole à quelqu'un. Quand on adresse la parole à quelqu'un pour le convaincre, on n'a pas cette égalité de ton. Il y a des moments où on est implorant, où on est menaçant. C'est dans le morceau. Il faut le mettre dans l'exécution. C'est quelqu'un qui est touché par une grâce divine ; ce n'est pas une harengère qui vient faire des réclamations, comme elle en aurait le droit ; elle vient dire à son amant : - Je ne vous en veux pas ; je viens seulement vous dire qu'il ne faudra plus compter sur moi : je suis maintenant convertie ; et il y a quelque chose que je viens aussi vous demander... Voilà l'amour que maintenant j'ai pour vous. - C'est cela la transfiguration du sentiment, ce qui est magnifique, mais ce n'est pasune absence de passion.

Jacques Lassalle et Jean-Loup Rivière, Conversations sur Dom Juan(1994)

JEAN-LOUP RIVIERE. - Il y a un autre moment où le spectacle fait signe. Un tout petit événement, une difficulté, une contradiction, ou une étrangeté me disent : fais attention, j'ai quelque chose à te dire. Par exemple, dans la dernière scène d'Elvire, Dom Juan l'interrompt, se tourne vers Sganarelle, il se trouve en réalité face à Elvire et on ne sait plus à qui s'adresse le "Tu pleures, je pense." Un rapport naturel d'interlocution est brisé et les significations de la réplique s'étendent, se diversifient, sont mises en question.
JACQUES LASSALLE. - La réplique s'adresse à Sagnarelle, à Elvire,à soi, oui, à soi. Et à nous. C'est un exemple de la géométrie variable des répliques. [...] "Tu pleures, je pense", "je pense que tu pleures", et aussi "tu pleures et moi je pense"... L'ultime destinataire, c'est toujours moi qui suis dans la salle. Et si le dialogue peut tourner à la parole intérieure, il n'a vraiment qu'un seul destinataire attesté.

Mise en scène d'Anne-Laure Liégeois



Mise en scène de Daniel Mesguich
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Mlle Cappon




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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 20:21

Séquence 2 : E. Rosand, Cyrano de Bergerac
Extrait n°1 (Acte I, scène 4)
LE VICOMTE.
Personne ?
Attendez ! Je vais lui lancer un de ces traits !…
(Il s’avance vers Cyrano qui l’observe, et se campant devant lui d’un
air fat.)
Vous… vous avez un nez… heu… un nez… très grand.
CYRANO, gravement.
Très.
LE VICOMTE, riant.
Ha !
CYRANO, imperturbable.
C’est tout ?…
LE VICOMTE.
Mais…
CYRANO.
Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu !… bien des choses en somme…
En variant le ton, – par exemple, tenez :
Agressif : « Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! »
Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse !
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « C’est un roc !… c’est un pic !… c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! »
Curieux : « De quoi sert cette oblongue capsule ?
D’écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ? »
Gracieux : « Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? »
Truculent : « ça, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu’un voisin ne crie au feu de cheminée ? »
Prévenant : « Gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! »
Tendre : « Faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »
Pédant : « L’animal seul, monsieur, qu’Aristophane
Appelle Hippocampelephantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d’os ! »
Cavalier : « Quoi, l’ami, ce croc est à la mode ?
Pour pendre son chapeau, c’est vraiment très commode ! »
Emphatique : « Aucun vent ne peut, nez magistral,
T’enrhumer tout entier, excepté le mistral ! »
Dramatique : « C’est la Mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif : « Pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Lyrique : « Est-ce une conque, êtes-vous un triton ? »
Naïf : « Ce monument, quand le visite-t-on ? »
Respectueux : « Souffrez, monsieur, qu’on vous salue,
C’est là ce qui s’appelle avoir pignon sur rue ! »
Campagnard : « Hé, ardé ! C’est-y un nez ? Nanain !
C’est queuqu’navet géant ou ben queuqu’melon nain ! »
Militaire : « Pointez contre cavalerie ! »
Pratique : « Voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! »
Enfin, parodiant Pyrame en un sanglot :
« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l’harmonie ! Il en rougit, le traître ! »
– Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit.
Mais d’esprit, Ô le plus lamentable des êtres,
Vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n’avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d’ailleurs, l’invention qu’il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
Me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n’en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d’une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve.
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Mlle Cappon




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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 20:29

Extrait n°2 (acte III, scène VII)
Roxane, Christian, Cyrano, d’abord caché sous le balcon.
ROXANE, entr’ouvrant sa fenêtre.
Qui donc m’appelle ?
CHRISTIAN.
Moi.
ROXANE.
Qui, moi ?
CHRISTIAN.
Christian.
ROXANE, avec dédain.
C’est vous ?
CHRISTIAN.
Je voudrais vous parler.
CYRANO, sous le balcon, à Christian.
Bien. Bien. Presque à voix basse.
ROXANE.
Non ! Vous parlez trop mal. Allez-vous-en !
CHRISTIAN.
De grâce !…
ROXANE.
Non ! Vous ne m’aimez plus !
CHRISTIAN, à qui Cyrano souffle ses mots.
M’accuser, – justes dieux ! –
De n’aimer plus… quand… j’aime plus !
ROXANE, qui allait refermer sa fenêtre, s’arrêtant.
Tiens ! mais c’est mieux !
CHRISTIAN, même jeu.
L’amour grandit bercé dans mon âme inquiète…
Que ce… cruel marmot prit pour… barcelonnette !
ROXANE, s’avançant sur le balcon.
C’est mieux ! – Mais, puisqu’il est cruel, vous fûtes sot
De ne pas, cet amour, l’étouffer au berceau !
CHRISTIAN, même jeu.
Aussi l’ai-je tenté, mais… tentative nulle.
Ce… nouveau-né, Madame, est un petit… Hercule.
ROXANE.
C’est mieux !
CHRISTIAN, même jeu.
De sorte qu’il… strangula comme rien…
Les deux serpents… Orgueil et… Doute.
ROXANE, s’accoudant au balcon.
Ah ! c’est très bien.
– Mais pourquoi parlez-vous de façon peu hâtive ?
Auriez-vous donc la goutte à l’imaginative ?
CYRANO, tirant Christian sous le balcon, et se glissant à sa place.
Chut ! Cela devient trop difficile !…
ROXANE.
Aujourd’hui…
Vos mots sont hésitants. Pourquoi ?
CYRANO, parlant à mi-voix, comme Christian.
C’est qu’il fait nuit,
Dans cette ombre, à tâtons, ils cherchent votre oreille.
ROXANE.
Les miens n’éprouvent pas difficulté pareille.
CYRANO.
Ils trouvent tout de suite ? oh ! cela va de soi,
Puisque c’est dans mon coeur, eux, que je les reçois ;
Or, moi, j’ai le coeur grand, vous, l’oreille petite.
D’ailleurs vos mots à vous, descendent : ils vont vite.
Les miens montent, Madame : il leur faut plus de temps !
ROXANE.
Mais ils montent bien mieux depuis quelques instants.
CYRANO.
De cette gymnastique, ils ont pris l’habitude !
ROXANE.
Je vous parle, en effet, d’une vraie altitude !
CYRANO.
Certes, et vous me tueriez si de cette hauteur
Vous me laissiez tomber un mot dur sur le coeur !
ROXANE, avec un mouvement.
Je descends.
CYRANO, vivement
Non !
ROXANE, lui montrant le banc qui est sous le balcon.
Grimpez sur le banc, alors, vite !
CYRANO, reculant avec effroi dans la nuit.
Non !
ROXANE.
Comment… non ?
CYRANO, que l’émotion gagne de plus en plus.
Laissez un peu que l’on profite…
De cette occasion qui s’offre… de pouvoir
Se parler doucement, sans se voir.
ROXANE.
Sans se voir ?
CYRANO.
Mais oui, c’est adorable. On se devine à peine.
Vous voyez la noirceur d’un long manteau qui traîne,
J’aperçois la blancheur d’une robe d’été.
Moi je ne suis qu’une ombre, et vous qu’une clarté !
Vous ignorez pour moi ce que sont ces minutes !
Si quelquefois je fus éloquent…
ROXANE.
Vous le fûtes !
CYRANO.
Mon langage jamais jusqu’ici n’est sorti
De mon vrai coeur…
ROXANE.
Pourquoi ?
CYRANO.
Parce que… jusqu’ici
Je parlais à travers…
ROXANE.
Quoi ?
CYRANO.
… le vertige où tremble
Quiconque est sous vos yeux !… Mais, ce soir, il me semble…
Que je vais vous parler pour la première fois !
ROXANE.
C’est vrai que vous avez une tout autre voix.
CYRANO, se rapprochant avec fièvre.
Oui, tout autre, car dans la nuit qui me protège
J’ose être enfin moi-même, et j’ose…
(Il s’arrête et, avec égarement.)
Où en étais-je ?
Je ne sais… tout ceci, – pardonnez mon émoi, –
C’est si délicieux… c’est si nouveau pour moi !
ROXANE.
Si nouveau ?
CYRANO, bouleversé, et essayant toujours de rattraper ses mots.
Si nouveau… mais oui… d’être sincère.
La peur d’être raillé, toujours au coeur me serre…
ROXANE.
Raillé de quoi ?
CYRANO.
Mais de… d’un élan !… Oui, mon coeur
Toujours, de mon esprit s’habille, par pudeur.
Je pars pour décrocher l’étoile, et je m’arrête
Par peur du ridicule, à cueillir la fleurette !
ROXANE.
La fleurette a du bon.
CYRANO.
Ce soir, dédaignons-la !
ROXANE.
Vous ne m’aviez jamais parlé comme cela !
CYRANO.
Ah ! si loin des carquois, des torches et des flèches,
On se sauvait un peu vers des choses… plus fraîches !
Au lieu de boire goutte à goutte, en un mignon
Dé coudre d’or fin, l’eau fade du Lignon,
Si l’on tentait de voir comment l’âme s’abreuve
En buvant largement à même le grand fleuve !
ROXANE.
Mais l’esprit ?…
CYRANO.
J’en ai fait pour vous faire rester
D’abord, mais maintenant ce serait insulter
Cette nuit, ces parfums, cette heure, la Nature,
Que de parler comme un billet doux de Voiture !
– Laissons, d’un seul regard de ses astres, le ciel
Nous désarmer de tout notre artificiel.
Je crains tant que parmi notre alchimie exquise
Le vrai du sentiment ne se volatilise,
Que l’âme ne se vide à ces passe-temps vains,
Et que le fin du fin ne soit la fin des fins !
ROXANE.
Mais l’esprit ?…
CYRANO.
Je le hais dans l’amour ! C’est un crime
Lorsqu’on aime de trop prolonger cette escrime !
Le moment vient d’ailleurs inévitablement,
– Et je plains ceux pour qui ne vient pas ce moment ! –
Où nous sentons qu’en nous une amour noble existe
Que chaque joli mot que nous disons rend triste !
ROXANE.
Eh bien ! si ce moment est venu pour nous deux,
Quels mots me direz-vous ?
CYRANO.
Tous ceux, tous ceux, tous ceux
Qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe,
Sans les mettre en bouquet : je vous aime, j’étouffe,
Je t’aime, je suis fou, je n’en peux plus, c’est trop ;
Ton nom est dans mon coeur comme dans un grelot,
Et comme tout le temps, Roxane, je frissonne,
Tout le temps, le grelot s’agite, et le nom sonne !
De toi, je me souviens de tout, j’ai tout aimé.
Je sais que l’an dernier, un jour, le douze mai,
Pour sortir le matin tu changeas de coiffure !
J’ai tellement pris pour clarté ta chevelure
Que, comme lorsqu’on a trop fixé le soleil,
On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil,
Sur tout, quand j’ai quitté les feux dont tu m’inondes,
Mon regard ébloui pose des taches blondes !
ROXANE, d’une voix troublée.
Oui, c’est bien de l’amour…
CYRANO.
Certes, ce sentiment
Qui m’envahit, terrible et jaloux, c’est vraiment
De l’amour, il en a toute la fureur triste !
De l’amour, – et pourtant il n’est pas égoïste !
Ah ! que pour ton bonheur je donnerais le mien,
Quand même tu devrais n’en savoir jamais rien,
S’il se pouvait, parfois, que de loin, j’entendisse
Rire un peu le bonheur né de mon sacrifice !
– Chaque regard de toi suscite une vertu
Nouvelle, une vaillance en moi ! Commences-tu
A comprendre, à présent ? voyons, te rends-tu compte ?
Sens-tu mon âme, un peu, dans cette ombre, qui monte ?…
Oh ! mais vraiment, ce soir, c’est trop beau, c’est trop doux !
Je vous dis tout cela, vous m’écoutez, moi, vous !
C’est trop ! Dans mon espoir même le moins modeste,
Je n’ai jamais espéré tant ! Il ne me reste
Qu’à mourir maintenant ! C’est à cause des mots
Que je dis qu’elle tremble entre les bleus rameaux !
Car vous tremblez, comme une feuille entre les feuilles !
Car tu trembles ! car j’ai senti, que tu le veuilles
Ou non, le tremblement adoré de ta main
Descendre tout le long des branches du jasmin !
(Il baise éperdument l’extrémité d’une branche pendante.)
ROXANE.
Oui, je tremble, et je pleure, et je t’aime, et suis tienne !
Et tu m’as enivrée !
CYRANO.
Alors, que la mort vienne !
Cette ivresse, c’est moi, moi, qui l’ai su causer !
Je ne demande plus qu’une chose…
CHRISTIAN, sous le balcon.
Un baiser !
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Mlle Cappon




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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 20:30

Extrait n°3 (acte II, scène 8 )

CYRANO.
Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force ?
Non, merci. DÉdier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?…
Non, merci. D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et, donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : « Oh, pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François ? »…
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Aimer mieux faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais… chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’oeil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, – ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
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Mlle Cappon




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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 20:37

Extrait n°4

ROXANE, lui posant la main sur l’épaule.
Comment pouvez-vous lire à présent ? Il fait nuit.
(Il tressaille, se retourne, la voit là tout près, fait un geste
d’effroi, baisse la tête. Un long silence. Puis, dans l’ombre complètement
venue, elle dit avec lenteur, joignant les mains.)

Et pendant quatorze ans, il a joué ce rôle
D’être le vieil ami qui vient pour être drôle !
CYRANO.
Roxane !
ROXANE.
C’était vous.
CYRANO.
Non, non, Roxane, non !
ROXANE.
J’aurais dû deviner quand il disait mon nom !
CYRANO.
Non ! ce n’était pas moi !
ROXANE.
C’était vous !
CYRANO.
Je vous jure…
ROXANE.
J’aperçois toute la généreuse imposture.
Les lettres, c’était vous…
CYRANO.
Non !
ROXANE.
Les mots chers et fous,
C’était vous…
CYRANO.
Non !
ROXANE.
La voix dans la nuit, c’était vous !
CYRANO.
Je vous jure que non !
ROXANE.
L’âme, c’était la vôtre !
CYRANO.
Je ne vous aimais pas.
ROXANE.
Vous m’aimiez !
CYRANO, se débattant.
C’était l’autre !
ROXANE.
Vous m’aimiez !
CYRANO, d’une voix qui faiblit.
Non !
ROXANE.
Déjà vous le dites plus bas !
CYRANO.
Non, non, mon cher amour, je ne vous aimais pas !
ROXANE.
Ah ! que de choses qui sont mortes… qui sont nées !
– Pourquoi vous être tu pendant quatorze années,
Puisque sur cette lettre où, lui, n’était pour rien,
Ces pleurs étaient de vous ?
CYRANO, lui tendant la lettre.
Ce sang était le sien.


Dernière édition par Mlle Cappon le Mer 3 Juin - 20:40, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 20:40

Documents complémentaires
La comédie héroïque, Robert Abichared, in Encyclopaedia Universalis.
Mais, aux alentours de 1630, voici que l’évolution se précipite soudain. L’aristocratie commence à se policer et à s’intéresser aux débats littéraires et philosophiques ; les femmes prennent une place de plus en plus importante dans la société ; des salles de théâtre se créent, encore mal équipées, mais animées par des troupes de premier ordre qui s’y fixent en permanence. Les nouveaux théoriciens, de Chapelain à l’abbé d’Aubignac, soutenus par Richelieu, bénéficient d’une bien plus large audience que leurs prédécesseurs. Et, surtout, le théâtre commence à trouver un statut dans la vie mondaine et sociale de l’époque. D’où une abondance, assez nouvelle, de vocations d’auteurs dramatiques, de Rotrou à Scarron et de Boisrobert à Quinault. De 1630 à 1635, Corneille donne six comédies qui intronisent cette forme avec éclat dans l’univers de la littérature : conformes, pour l’essentiel, aux règles nouvelles, elles proposent un modèle de haute tenue littéraire, mais qui use des conventions avec un discernement inventif ; plus enjouées que proprement comiques, plantées dans un décor contemporain, romanesques sans excès, animées sans gratuité, ces œuvres présentent une vraisemblance intérieure tout à fait convaincante, qui est le produit d’un réalisme hautement stylisé.
Tout cela s’accorde à merveille avec l’idée de la comédie que se font alors, d’après les Anciens, les tenants du théâtre régulier : conçue par opposition à la tragédie, domaine de la terreur et de la pitié, et à la farce, aux ressorts énormes et gratuits, la comédie doit mettre en scène des personnages de condition moyenne, appelés à triompher des obstacles qui se dressent sur leur chemin. Écrite dans un langage élégant et mesuré, elle sera conforme à la bienséance requise par la bonne société et obéira aux règles de la vraisemblance, qui imposent le respect des unités de temps, d’action et de lieu : car le but du théâtre est de figurer le monde, par les moyens d’une illusion qui a sa logique propre. Dans une telle définition, notons-le, le rire ne figure pas : il s’agit essentiellement de divertir et de plaire, en restant dans le ton de la bonne compagnie et en apprenant aux hommes à mieux se connaître.

La comédie héroïque se donne explicitement pour la recherche d’une intériorisation des obstacles à l’amour, sans recours au romanesque ou au tragique […]. Les personnages ont la profondeur, la pureté, l’intransigeance des héros épiques […] La comédie héroïque se définirait par l’application d’une intrigue d’amour, c’est-à-dire d’une structure comique, à l’intériorité épique des héros cornéliens. Hélène Baby-Litot.


Molière, Le Misanthrope, Acte I scène 1 (document complémentaire du dernier extrait de Cyrano de Bergerac)
Rostand, qui rappelle que Molière a plagié Cyrano, ne se prive pas à son tour de faire quelques clins d'oeil appuyés à l'auteur du Misanthrope. La tirade des "Non, merci", notamment,évique fortement une tirade d'Alceste contre le genre humain.
ALCESTE
Non, je ne puis souffrir cette lâche méthode
Qu'affectent la plupart de vos gens à la mode ;
Et je ne hais rien tant que les contorsions
De tous ces grands faiseurs de protestations,
Ces affables donneurs d'embrassades frivoles,
Ces obligeants diseurs d'inutiles paroles,
Qui de civilités avec tous font combat,
et traitent du même air l'honnête homme et le fat.
Quel avantage a-t-on qu'un homme vous caresse (1),
Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse,
Et vous fasse de vous un éloge éclatant,
Lorsqu'au premier faquin (2) il court en faire autant ?
Non, non, il n'est point d'âme un peu bien située
Qui veuille d'une estime ainsi prostituée (3);
Et la plus glorieuse a des régals peu chers,
Dès qu'on voit qu'on nous mêle avec tout l'univers :
Sur quelque préférence une estime se fonde,
Et c'est n'estimer rien qu'estimer tout le monde.
Puisque vous y donnez, dans ces vices du temps,
Morbleu ! vus n'êtes pas pour être de mes gens ;
Je refuse d'un coeur la vaste complaisance
Qui ne fait de mérite aucune différence ;
Je veux qu'on me distingue ; et pour le trancher net,
L'ami du genre humain n'est point du tout mon fait.

(1)vous caresse = vous flatte
(2) faquin : terme méprisant
(3) "il n'est point d'âme un peu bien située/ qui veuille d'une estime ainsi prostituée" : aucun homme bien situé ne voudrait d'une estime donnée à tout lemonde sans distinction.
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:00

Séquence 3 : le roman, visions de l'Homme et du Monde (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse)

Capitaine Fracasse : extrait n°1 (chapitre 1 :la château de la misère)

Le baron de Sigognac, car c'était bien le seigneur de ce castel démantelé qui venait d'entrer dans la cuisine, était un jeune homme de vingt−cinq ou vingt−six ans, quoique au premier abord on lui en eût attribué peut−être davantage, tant il paraissait grave et sérieux. Le sentiment de l'impuissance, qui suit la pauvreté, avait fait fuir la gaieté de ses traits et tomber cette fleur printanière qui veloute les jeunes visages. Des auréoles de bistre cerclaient déjà ses yeux meurtris, et ses joues creuses accusaient assez fortement la saillie des pommettes ; ses moustaches, au lieu de se retrousser gaillardement en crocs, portaient la pointe basse et semblaient pleurer auprès de sa bouche triste ; ses cheveux, négligemment peignés, pendaient par mèches noires au long de sa face pâle avec une absence de coquetterie rare dans un jeune homme qui eût pu passer pour beau, et montraient une renonciation absolue à toute idée de plaire. L'habitude d'un chagrin secret avait fait prendre des plis douloureux à une physionomie qu'un peu de bonheur eût rendue charmante, et la résolution naturelle à cet âge y paraissait plier devant une mauvaise fortune inutilement combattue.
Quoique agile et d'une constitution plutôt robuste que faible, le jeune Baron se mouvait avec une lenteur apathique, comme quelqu'un qui a donné sa démission de la vie. Son geste était endormi et mort, sa contenance inerte, et l'on voyait qu'il lui était parfaitement égal d'être ici ou là , parti ou revenu.
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:00

Extrait n°2 (chapitre 3 : L'auberge du Soleil Bleu)
La petite fille, qui dormait à l'autre bout du banc, s'était réveillée et redressée. On pouvait voir son visage qu'elle avait dégagé de ses cheveux qui semblaient avoir déteint sur son front tant il était fauve. Sous le hâle de la figure perçait une pâleur de cire, une pâleur mate et profonde. Aucune couleur aux joues, dont les pommettes saillaient. Sur les lèvres bleuâtres, dont le sourire malade découvrait des dents d'une blancheur nacrée, la peau se fendillait en minces lamelles. Toute la vie paraissait réfugiée dans les yeux.
La maigreur de sa figure faisait paraître ces yeux énormes, et la large meurtrissure de bistre qui les entourait comme une auréole leur donnait un éclat fébrile et singulier. − Le blanc en paraissait presque bleu, tant les prunelles y tranchaient par leur brun sombre, et tant la double ligne de cils était épaisse et fournie. En ce moment ces yeux étranges exprimaient une admiration enfantine et une convoitise féroce, et ils se tenaient opiniâtrement fixés sur les bijoux de l'Isabelle et de la Sérafine, dont la petite sauvage, sans doute, ne soupçonnait pas le peu de valeur. La scintillation de quelque passementerie d'or faux, l'orient trompeur d'un collier en perles de Venise l'éblouissaient et la tenaient comme en une sorte d'extase. Evidemment elle n'avait, de sa vie, rien vu de si beau. Ses narines se dilataient, une faible rougeur lui montait aux joues, un rire sardonique voltigeait sur ses lèvres pâles, interrompu de temps à autre par un claquement de dents fiévreux, rapide et sec.
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:03

Extrait n°3 (chapitre 8 : Les choses se compliquent)
Vallombreuse s'était placé silencieusement près de la toilette d'Isabelle, son bras appuyé sur le cadre du miroir de manière à ce que les yeux de la comédienne, obligée de consulter la glace à chaque minute, dussent souvent le rencontrer. C'était une manoeuvre savante et de bonne tactique amoureuse qui eût réussi, sans doute, avec toute autre que notre ingénue. Il voulait, avant de parler, frapper un coup par sa beauté, sa mine altière et sa magnificence.
Isabelle, qui avait reconnu le jeune audacieux de la ruelle et que ce regard d'une ardeur impérieuse gênait, gardait la plus extrême réserve et ne détournait pas sa vue du miroir. Elle ne semblait pas s'être aperçue qu'il y avait devant elle planté un des plus beaux seigneurs de la France, mais c'était une singulière fille qu'Isabelle.
Ennuyé de cette pose, Vallombreuse prit son parti brusquement et dit à la comédienne :
"N'est−ce pas vous, mademoiselle, qui jouez Sylvie dans la pièce de Lygdamon et Lydias de M. de Scudéry ?
− Oui, monsieur, répondit Isabelle, qui ne pouvait se soustraire à cette question habilement banale.
− Jamais rôle n'aura été mieux rempli, continua Vallombreuse. S'il est mauvais, vous le rendrez bon ; s'il est bon, vous le ferez excellent. Heureux les poètes qui confient leurs vers à ces belles lèvres ! "
Ces vagues compliments ne sortaient pas des galanteries que les gens qui ont de la politesse adressent d'habitude aux comédiennes, et Isabelle dut les accepter, en remerciant le duc d'une faible inclination de tête.
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:06

Extrait n°4 ( chapitre 22 : le château du bonheur)
Quand la nuit fut tombée, Sigognac prit une bêche, une lanterne, et le corps de Béelzébuth, roide dans son linceul de soie. Il descendit au jardin, et commença à creuser la terre au pied de l'églantier, à la lueur de la lanterne dont les rayons éveillaient les insectes, et attiraient les phalènes qui venaient en battre la corne de leurs ailes poussiéreuses. Le temps était noir. A peine un coin de lune se devinait−il à travers les crevasses d'un nuage couleur d'encre, et la scène avait plus de solennité que n'en méritaient les funérailles d'un chat.
Sigognac bêchait toujours, car il voulait enfouir Béelzébuth assez profondément pour que les bêtes de proie ne vinssent pas le déterrer. Tout à coup le fer de sa bêche fit feu comme s'il eût rencontré un silex. Le Baron pensa que c'était une pierre, et redoubla ses coups ; mais les coups sonnaient bizarrement et n'avançaient pas le travail. Alors Sigognac approcha la lanterne pour reconnaître l'obstacle et vit, non sans surprise, le
couvercle d'une espèce de coffre en chêne, tout bardé d'épaisses lames de fer rouillé, mais très solides encore ; il dégagea la boîte en creusant la terre alentour, et, se servant de sa bêche comme d'un levier, il parvint à hisser, malgré son poids considérable, le coffret mystérieux jusqu'au bord du trou, et le fit glisser sur la terre ferme. Puis il mit Béelzébuth dans le vide laissé par la boîte, et combla la fosse.
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:07

Document complémentaire
Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves, tome premier
Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame de Chartres, et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l'avait laissée sous la conduite de madame de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l'éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté ; elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l'amour ; elle lui montrait ce qu'il a d'agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu'elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d'un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d'une honnête femme, et combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance. Mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même, et par un grand soin de s'attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d'une femme, qui est d'aimer son mari et d'en être aimée.

Cette héritière était alors un des grands partis qu'il y eût en France ; et quoiqu'elle fût dans une extrême jeunesse, l'on avait déjà proposé plusieurs mariages. Madame de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille ; la voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la cour. Lorsqu'elle arriva, le vidame alla au-devant d'elle ; il fut surpris de la grande beauté de mademoiselle de Chartres, et il en fut surpris avec raison. La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat que l'on n'a jamais vu qu'à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa personne étaient pleins de grâce et de charmes.

Le lendemain qu'elle fut arrivée, elle alla pour assortir des pierreries chez un Italien qui en trafiquait par tout le monde. Cet homme était venu de Florence avec la reine, et s'était tellement enrichi dans son trafic, que sa maison paraissait plutôt celle d'un grand seigneur que d'un marchand. Comme elle y était, le prince de Clèves y arriva. Il fut tellement surpris de sa beauté, qu'il ne put cacher sa surprise ; et mademoiselle de Chartres ne put s'empêcher de rougir en voyant l'étonnement qu'elle lui avait donné. Elle se remit néanmoins, sans témoigner d'autre attention aux actions de ce prince que celle que la civilité lui devait donner pour un homme tel qu'il paraissait. Monsieur de Clèves la regardait avec admiration, et il ne pouvait comprendre qui était cette belle personne qu'il ne connaissait point. Il voyait bien par son air, et par tout ce qui était à sa suite, qu'elle devait être d'une grande qualité. Sa jeunesse lui faisait croire que c'était une fille ; mais ne lui voyant point de mère, et l'Italien qui ne la connaissait point l'appelant madame, il ne savait que penser, et il la regardait toujours avec étonnement. Il s'aperçut que ses regards l'embarrassaient, contre l'ordinaire des jeunes personnes qui voient toujours avec plaisir l'effet de leur beauté ; il lui parut même qu'il était cause qu'elle avait de l'impatience de s'en aller, et en effet elle sortit assez promptement. Monsieur de Clèves se consola de la perdre de vue, dans l'espérance de savoir qui elle était ; mais il fut bien surpris quand il sut qu'on ne la connaissait point. Il demeura si touché de sa beauté, et de l'air modeste qu'il avait remarqué dans ses actions, qu'on peut dire qu'il conçut pour elle dès ce moment une passion et une estime extraordinaires. Il alla le soir chez Madame, soeur du roi.
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:11

Séquence 4 : Poésie (Baudelaire, [i]Les Fleurs du Mal[/i])

Extrait n°1 : L'albatros
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:12

Extrait n°2 : Correspondances
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:12

Extrait n°3 : La vie antérieure
J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.

Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.

C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,

Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l'unique soin était d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:13

Extrait n°4 : Le cygne
I

Andromaque, je pense à vous ! Ce petit fleuve,
Pauvre et triste miroir où jadis resplendit
L'immense majesté de vos douleurs de veuve,
Ce Simoïs menteur qui par vos pleurs grandit,

A fécondé soudain ma mémoire fertile,
Comme je traversais le nouveau Carrousel.
Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville
Change plus vite, hélas ! Que le cœur d'un mortel) ;

Je ne vois qu'en esprit tout ce camp de baraques,
Ces tas de chapiteaux ébauchés et de fûts,
Les herbes, les gros blocs verdis par l'eau des flaques,
Et, brillant aux carreaux, le bric-à-brac confus.

Là s'étalait jadis une ménagerie ;
Là je vis, un matin, à l'heure où sous les cieux
Froids et clairs le Travail s'éveille, où la voirie
Pousse un sombre ouragan dans l'air silencieux,

Un cygne qui s'était évadé de sa cage,
Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec,
Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage.
Près d'un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec

Baignait nerveusement ses ailes dans la poudre,
Et disait, le cœur plein de son beau lac natal :
" Eau, quand donc pleuvras-tu ? Quand tonneras-tu, foudre ? "
Je vois ce malheureux, mythe étrange et fatal,

Vers le ciel quelquefois, comme l'homme d'Ovide,
Vers le ciel ironique et cruellement bleu,
Sur son cou convulsif tendant sa tête avide,
Comme s'il adressait des reproches à Dieu !

II

Paris change ! Mais rien dans ma mélancolie
N'a bougé ! Palais neufs, échafaudages, blocs,
Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie,
Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs.

Aussi, devant ce Louvre une image m'opprime :
Je pense à mon grand cygne, avec ses gestes fous,
Comme les exilés, ridicule et sublime,
Et rongé d'un désir sans trêve ! Et puis à vous,

Andromaque, des bras d'un grand époux tombée,
Vil bétail, sous la main du superbe Pyrrhus,
Auprès d'un tombeau vide en extase courbée ;
Veuve d'Hector, hélas ! Et femme d'Hélénus !

Je pense à la négresse, amaigrie et phtisique,
Piétinant dans la boue, et cherchant, œil hagard,
Les cocotiers absents de la superbe Afrique
Derrière la muraille immense du brouillard ;

À quiconque a perdu ce qui ne se retrouve
Jamais, jamais ! À ceux qui s'abreuvent de pleurs
Et tètent la Douleur comme une bonne louve !
Aux maigres orphelins séchant comme des fleurs !

Ainsi dans la forêt où mon esprit s'exile
Un vieux Souvenir sonne à plein souffle du cor !
Je pense aux matelots oubliés dans une île,
Aux captifs, aux vaincus !... À bien d'autres encor !
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:14

Document complémentaire
Sonnet du cygne
Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui !

Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n’avir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l’ennui.

Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l’espace infligée à l’oiseau qui le nie,
Mais non l’horreur du sol où le plumage est pris.

Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s’immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l’exil inutile le Cygne.

Stéphane Mallarmé(1842-1898)
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:23

Séquence sur l'Argumentation

Texte n°1 : Voltaire, Histoire d'un Bon Bramin, 1759
Le bramin me dit un jour: « Je voudrais n’être jamais né. » Je lui demandai pourquoi; il me répondit: « J’étudie depuis quarante ans, ce sont quarante années de perdues; j’enseigne les autres, et j’ignore tout: cet état porte dans mon âme tant d’humiliation et de dégoût, que la vie m’est insupportable. Je suis né, je vis dans le temps, et je ne sais pas ce que c’est que le temps: je me trouve dans un point entre deux éternités, comme disent nos sages, et je n’ai nulle idée de l’éternité: je suis composé de matière; je pense, je n’ai jamais pu m’instruire de ce qui produit la pensée: j’ignore si mon entendement est en moi une simple faculté, comme celle de marcher, de digérer, et si je pense avec ma tête comme je prends avec mes mains. Non seulement le principe de ma pensée m’est inconnu, mais le principe de mes mouvements m’est également caché: je ne sais pourquoi j’existe; cependant on me fait chaque jour des questions sur tous ces points: il faut répondre; je n’ai rien de bon à dire; je parle beaucoup, et je demeure confus et honteux de moi-même après avoir parlé.
« C’est bien pis quand on me demande si Brama a été produit par Vitsnou ou s’ils sont tous deux éternels. Dieu m’est témoin que je n’en sais pas un mot, et il y paraît bien à mes réponses. « Ah! mon révérend père, me dit-on, apprenez-nous comment le mal inonde toute la terre. » Je suis aussi en peine que ceux qui me font cette question; je leur dis quelquefois que tout est le mieux du monde; mais ceux qui ont été ruinés et mutilés à la guerre n’en croient rien, ni moi non plus: je me retire chez moi accablé de ma curiosité et de mon ignorance. Je lis nos anciens livres, et ils redoublent mes ténèbres. Je parle à mes compagnons: les uns me répondent qu’il faut jouir de la vie et se moquer des hommes; les autres croient savoir quelque chose, et se perdent dans des idées extravagantes: tout augmente le sentiment douloureux que j’éprouve. Je suis prêt quelquefois de tomber dans le désespoir, quand je songe qu’après toutes mes recherches, je ne sais ni d’où je viens, ni ce que je suis, ni où j’irai, ni ce que je deviendrai. »
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:24

Texte n°2 : Délibérer
Etre heureux, c’est avoir non pas tout ce qu’on désire, mais enfin une bonne partie, peut-être la plus grosse partie de ce qu’on désire. Soit. Mais si le désir est manque, on ne désire, par définition, que ce qu’on n’a pas, on n’a jamais ce qu’on désire, donc on n’est jamais heureux. Non pas que le désir soit jamais satisfait, la vie n’est pas difficile à ce point. Mais en ceci que dès qu’un désir est satisfait, il n’y a plus de manque, donc plus de désir. Dès qu’un désir est satisfait, il s’abolit en tant que désir.(..)
Quelques exemples pour illustrer ce point. J’en retiendrai quatre d’une gravité inégale.(..)
Le deuxième exemple est plus grave, c’est l’exemple du chômage. Chacun comprend que le chomage est un malheur et personne ne s’étonnerait qu’un chômeur lui dise « qu’est-ce que je serais heureux si j’avais du travail ! ». Le chômage est un malheur. Mais où avez-vous vu que le travail soit un bonheur? Quand on est au chômage, surtout si ça dure longtemps, on se dit : « qu’est-ce que je serais heureux si j’avais du travail ! » Mais cela ne vaut que pour celui qui n’en a pas. Pour le chômeur le travail pourrait être un bonheur ; mais quand on a un travail, le travail est un travail »(…)
Quand je désire ce que je n’ai pas, c’est le manque, la frustration, ce que Schopenhauer appelle la souffrance. Et quand le désir est satisfait ? ce n’est plus la souffrance puisqu’il n’y a plus de manque. Ce n’est pas le bonheur puisqu’il n’y a plus de désir. C’est ce que Schopenhauer appelle l’ennui, qui est l’absence de bonheur au lieu même de sa présence attendue. (p.27sqq)
Ce qu’il s’agit d’opérer, c’est une conversion du désir. Là où, spontanément, comme l’enfant avant Noël, nous ne savons désirer que ce qui nous manque, que ce qui ne dépend pas de nous, il s’agit au contraire d’apprendre à désirer ce qui dépend de nous (c’est-àdire à apprendre à vouloir et à agir), il s’agit d’apprendre à désirer ce qui est (c’est-à-dire à aimer) plutôt que de désirer toujours ce qui n’est pas (espérer ou regretter). (p.69)

André Comte-Sponville
Le bonheur, désespérément
, Lundis philo, Pleins feux, 2000, p.27sqq

André Comte-Sponville, né en 1952, est un philosophe français et membre du Comité consultatif national d'éthique depuis mars 2008


Dernière édition par Mlle Cappon le Lun 8 Juin - 16:50, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:30

Texte N°3 : La Fontaine, Fables, Le Savetier et le Financier
1 Un Savetier chantait du matin jusqu'au soir ;
C'était merveilles de le voir,
Merveilles de l'ouïr ; il faisait des passages,
Plus content qu'aucun des sept sages.
5 Son voisin, au contraire, étant tout cousu d'or,
Chantait peu, dormait moins encor ;
C'était un homme de finance.
Si sur le point du jour parfois il sommeillait,
Le Savetier alors en chantant l'éveillait,
10 Et le Financier se plaignait,
Que les soins de la Providence
N'eussent pas au marché fait vendre le dormir,
Comme le manger et le boire.
En son hôtel riche demeure il fait venir
15 Le chanteur, et lui dit : Or çà, sire Grégoire,
Que gagnez-vous par an ? — Par an ? Ma foi, Monsieur,
Dit avec un ton de rieur,
Le gaillard enjoué Savetier, ce n'est point ma manière
De compter de la sorte ; et je n'entasse guère
20 Un jour sur l'autre : il suffit qu'à la fin
J'attrape le bout de l'année :
Chaque jour amène son pain.
— Eh bien ! que gagnez-vous, dites-moi, par journée ?
— Tantôt plus, tantôt moins : le mal est que toujours ;
25 (Et sans cela nos gains seraient assez honnêtes,)
Le mal est que dans l'an s'entremêlent des jours
Qu'il faut chômer ; on nous ruine en fêtes.
L'une fait tort à l'autre ; et Monsieur le curé
De quelque nouveau Saint charge toujours son prône sermon.
30 Le Financier, riant de sa naïveté,
Lui dit : « Je vous veux mettre aujourd'hui sur le trône.
Prenez ces cent écus : gardez-les avec soin,
Pour vous en servir au besoin. »
Le Savetier crut voir tout l'argent que la terre
35 Avait, depuis plus de cent ans,
Produit pour l'usage des gens.
Il retourne chez lui ; dans sa cave il enserre
L'argent et sa joie à la fois.
Plus de chant : il perdit la voix
40 Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines.
Le sommeil quitta son logis,
Il eut pour hôtes les soucis,
Les soupçons, les alarmes vaines.
Tout le jour il avait l'œil au guet ; et la nuit,
45 Si quelque chat faisait du bruit,
Le chat prenait l'argent. À la fin le pauvre homme
S'en courut chez celui qu'il ne réveillait plus.
Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,
Et reprenez vos cent écus.
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Mlle Cappon




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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:33

Texte n°4 : Ronsard, Nouvelle Continuation des Amours, Poème 55 « Dialogue des Muses et de Ronsard »
RONSARD
Pour avoir trop aimé votre bande inégale,
Muses, qui défiez (ce dites vous) les temps,
J'ai les yeux tout battus, la face toute pâle,
Le chef grison et chauve, et si n'ai que trente ans.
MUSES
Au Nocher qui sans cesse erre sur la marine
Le teint noir appartient : le soldat n'est point beau
Sans être tout poudreux : qui courbe la poitrine
Sur nos livres, est laid, s'il n'a pâle la peau.
RONSARD
Mais quelle récompense aurai-je de tant suivre
Vos danses nuit et jour, un laurier sur le front ?
Et cependant les ans, auxquels je dusse vivre
En plaisirs et en jeux, comme poudre s'en vont ?
MUSES
Vous aurez en vivant une fameuse gloire,
Puis quand vous serez mort votre nom fleurira :
L'âge de siècle en siècle aura de vous mémoire.
Seulement votre corps au tombeau pourrira.
RONSARD
Ô le gentil loyer, que chaut-il à Homère,
Or' qu'il ne sent plus rien sous les ombres là-bas,
Qu'il n'a plus d'yeux, ni bras, bouche, ni jambe entière,
Si son renom fleurit, ou s'il ne fleurit pas ?
MUSES
Vous êtes abusé : le corps dessous la lame
Pourri ne sent plus rien, aussi ne lui en chaut :
Mais ce n'est pas ainsi après la mort de l'âme,
Qui ouit ce qu'on dit d'elle, et l'entend de là-haut.
RONSARD
Bien, je vous suivrai donc en face pâlissante,
Dussé-je trépasser, de l'étude vaincu,
Et ne fusse qu'afin que la race suivante
Ne me reproche point qu'oisif j'aie vécu.
MUSES
Voilà sagement dit : ceux dont la fantaisie
Sera religieuse, et dévote envers Dieu,
Toujours achèveront quelque grand'poésie,
Et dessus leur renom la Parque n'aura lieu.
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Mlle Cappon




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MessageSujet: Re: Textes étudiés en STG1   Textes étudiés en STG1 Icon_minitimeMer 3 Juin - 21:34

Texte n°5 : Choderlos de Laclos, Les Liaisons Dangereuses, Lettre XLVIII (Le Comte de Valmont à Mme de Tourvel)
Quoi! ne puis-je donc espérer que vous partagerez quelque jour le trouble que j’éprouve en ce
moment? J’ose croire cependant que, si vous le connaissiez bien, vous n’y seriez pas entièrement insensible. Croyez-moi, Madame, la froide tranquillité, le sommeil de l’âme, image de la mort, ne mènent point au bonheur; les passions actives peuvent seules y conduire; et malgré les tourments que vous me faites éprouver, je crois pouvoir assurer sans crainte, que, dans ce moment, je suis plus heureux que vous. En vain m’accablez-vous de vos rigueurs désolantes, elles ne m’empêchent point de m’abandonner entièrement à l’amour et d’oublier, dans le délire qu’il me cause, le désespoir auquel vous me livrez. C’est ainsi que je veux me venger de l’exil auquel vous me condamnez. Jamais je n’eus tant de plaisir en vous écrivant; jamais je ne ressentis, dans cette occupation, une émotion si douce et cependant si vive. Tout semble augmenter mes transports: l’air que je respire est plein de volupté ; la table même sur laquelle je vous écris, consacrée pour la première fois à cet usage, devient pour moi l’autel sacré de l’amour; combien elle va s’embellir à mes yeux! j’aurai tracé sur elle le serment de vous aimer toujours! Pardonnez, je vous en supplie, au désordre de mes sens. Je devrais peut-être m’abandonner moins à des transports que vous ne partagez pas: il faut vous quitter un moment pour dissiper une ivresse qui s’augmente à chaque instant, et qui devient plus forte que moi.
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