Analyse Linéaire
Caractéristiques de la progression d’un texte délibératif :
* un premier postulat est posé : « Etre heureux, c’est avoir non pas tout ce qu’on désire, mais enfin une bonne partie, peut-être la plus grosse partie de ce qu’on désire. » => le bonheur est lié à la possession de ce qu’on désire.
* ce postulat est remis en question : la phrase suivante commence par la conjonction à valeur d’opposition « mais » : « Mais si le désir est manque, on ne désire, par définition, que ce qu’on n’a pas, on n’a jamais ce qu’on désire, donc on n’est jamais heureux. » => on désir ce qu’on n’a pas, non ce qu’on possède : donc le bonheur est impossible.
* développement de ce contre-argument
* un ou plusieurs exemples sont ensuite donnés : « Quelques exemples pour illustrer ce point. J’en retiendrai quatre d’une gravité inégale. »
* développement de chaque exemple :
- dans cet extrait apparaît un seul de ces exemples, le deuxième, considéré par l’auteur comme particulièrement important :
=> comparatif de supériorité : « le plus grave »
=> mise en valeur par la tournure grammaticale qui rejette le nom désignant la nature de cet exemple à la fin de la proposition : « Le deuxième exemple est plus grave, c’est l’exemple du chômage »
- l’exemple est développé suivant une logique parallèle au raisonnement qui précédait :
=> constatation : le chômage rend malheureux, ce que l’auteur présente comme une vérité générale : « Chacun comprend que le chômage est un malheur » ; « Le chômage est un malheur. »
=> développement : le chômeur en vient à penser qu’il serait heureux s’il trouvait un travail : « personne ne s’étonnerait qu’un chômeur lui dise « qu’est-ce que je serais heureux si j’avais du travail ! »
=> contre-argument introduit par « mais » ; « Mais où avez-vous vu que le travail soit un bonheur? » => l’auteur choisit de le formuler sous forme de question rhétorique afin d’amener le lecteur à penser comme lui, avant de redévelopper : « Mais cela ne vaut que pour celui qui n’en a pas. Pour le chômeur le travail pourrait être un bonheur ; mais quand on a un travail, le travail est un travail ». => une fois qu’on a obtenu ce travail auquel on aspirait, l’on n’en ressent aucun bonheur, de la satisfaction tout au plus, ou l’idée d’être retourné à la normalité : "le travail est un travail."
* Un nouvel argument qui découle logiquement du précédent ou qui le clarifie est évoqué :
- "Quand je désire ce que je n’ai pas, c’est le manque, la frustration, ce que Schopenhauer appelle la souffrance." => définition du sentiment provoqué par le désir, avec argument d'autorité (= référence à un philosophe réputé)
- "Et quand le désir est satisfait ? ce n’est plus la souffrance puisqu’il n’y a plus de manque. Ce n’est pas le bonheur puisqu’il n’y a plus de désir. C’est ce que Schopenhauer appelle l’ennui, qui est l’absence de bonheur au lieu même de sa présence attendue. " => définition du sentiment provoqué par la satisfaction du désir : il ne s'agit pas de bonheur mais d' ennui, de quelque chose qui est comparable au spleen de Baudelaire.
* déduction tirée de ce raisonnement :
- proposition d'une solution en vue d'atteindre au bonheur, conséquence qui est ici implicite => "Ce qu’il s’agit d’opérer, c’est une conversion du désir."
- exemple : il s'agit d'un comportement comparable à celui d'un enfant à l'approche de Noël => "Là où, spontanément, comme l’enfant avant Noël, nous ne savons désirer que ce qui nous manque, que ce qui ne dépend pas de nous, il s’agit au contraire d’apprendre à désirer ce qui dépend de nous (c’est-à dire à apprendre à vouloir et à agir), il s’agit d’apprendre à désirer ce qui est (c’est-à-dire à aimer) plutôt que de désirer toujours ce qui n’est pas (espérer ou regretter). "
L'anaphore "il s'agit de" sert à souligner la méthode à adopter pour atteindre au bonheur malgré le désir, qui consiste à apprécier ce qu'on a au lieu de désier ce qu'on n'a pas.