MERLIN.- Allons, mes enfants, je vous attendais ; montrez-moi un petit échantillon de votre savoir-faire, et tâchons de gagner notre argent le mieux que nous pourrons ; répétons.
LISETTE.- Ce que j'aime de ta comédie, c'est que nous nous la donnerons à nous-mêmes ; car je pense que nous allons tenir de jolis propos.
MERLIN.- De très jolis propos ; car, dans le plan de ma pièce, vous ne sortez point de votre caractère, vous autres : toi, tu joues une maligne soubrette à qui l'on n'en fait point accroire, et te voilà ; Blaise a l'air d'un nigaud pris sans vert, et il en fait le rôle ; une petite coquette de village et Colette, c'est la même chose ; un joli homme et moi, c'est tout un. Un joli homme est inconstant, une coquette n'est pas fidèle : Colette trahit Blaise, et je néglige ta flamme. Blaise est un sot qui en pleure, tu es une diablesse qui t'en mets en fureur ; et voilà ma pièce. Oh ! Je défie qu'on arrange mieux les choses.
BLAISE.- Oui ; mais si ce que j'allons jouer allait être vrai ! Prenez garde, au moins ; il ne faut pas du tout de bon ; car j'aime Colette, dame !
MERLIN.- A merveille ! Blaise, je te demande ce ton de nigaud-là dans la pièce.
LISETTE.- Ecoutez, Monsieur le joli homme, il a raison ; que ceci ne passe point la raillerie ; car je ne suis pas endurante, je vous en avertis.
MERLIN.- Fort bien, Lisette ! Il y a un aigre-doux dans ce ton-là qu'il faut conserver.
COLETTE.- Allez, allez, Mademoiselle Lisette ; il n'y a rien à appriander pour vous ; car vous êtes plus jolie que moi ; Monsieur Merlin le sait bien.
MERLIN.- Courage, friponne ; vous y êtes, c'est dans ce goût-là qu'il faut jouer votre rôle. Allons, commençons à répéter.
LISETTE.- C'est à nous deux à commencer, je crois.
MERLIN.- Oui, nous sommes la première scène ; asseyez-vous là, vous autres ; et nous, débutons. Tu es au fait, Lisette. (Colette et Blaise s'asseyent comme spectateurs d'une scène dont ils ne sont pas.) Tu arrives sur le théâtre, et tu me trouves rêveur et distrait. Recule-toi un peu, pour me laisser prendre ma contenance.